ديسمبر 23, 2019 afaqdroit الرئيسية, مقالات قانونية 0
Introduction
Dans le but d’une meilleure organisation de la distribution de leurs produits, les producteurs se sont progressivement entourés d’une pluralité de revendeurs aptes à assurer la revente de ces produits à un consommateur final. Le plus souvent, un fournisseur conclut avec des distributeurs une multitude d’accords cadres qui permettront ensuite la conclusion de contrats de vente pris en application du contrat initial
Cet ensemble de contrats-identiques permet d’aboutir à la création d’un réseau de distribution. Ce réseau n’est autre que la somme de volontés individuelles, unissant un fournisseur à une pluralité de revendeurs, donnant naissance à des accords-cadres principaux liés à des contrats accessoires constituant un groupe de contrats synallagmatiques, conclus à titre onéreux et dans l’intérêt commun de ses membres, en vue d’organiser la revente de produits et de services sur un marché déterminé à un consommateur final[1]
Si l’accent a été exagérément mis sur la protection du distributeur intégré dans les rapports bilatéraux, il n’en demeure pas moins que cette vocation doctrinale et jurisprudentielle pourrait conduire ou ayant déjà conduit à créer un déséquilibre contractuel important au détriment du producteur
C’est la raison pour laquelle nous allons décortiquer dans quelle mesure le producteur sera-t-il protégé dans les contrats de distribution en réseau intégré
Il sera donc judicieux d’envisager dans une première partie la protection légale et contractuelle tandis que la seconde fera l’objet de l’analyse d’une protection judiciaire
Première Partie I: la protection contractuelle et légale
En effet, les contrats de distribution sont des contrats innommés c’est-à-dire que le législateur n’a pas prévu une réglementation spéciale pour ce type de contrats
Ainsi les parties se trouvent libres de s’entendre sur les clauses qui veulent insérer dans leur contrat et ce conformément au principe de la liberté contractuelle. Mais seulement ces contrats de distribution sont qualifiés par la doctrine comme étant des contrats d’adhésion en ce sens que l’une des parties, souvent le producteur, impose à l’autre partie, le ou les distributeurs intégrés, des clauses lui accordant une protection tant dans la phase précontractuelle qu’au cours de l’exécution du contrat et même après la cessation de celui-ci
Chapitre I : la protection précontractuelle
Cette phase revêt une importance particulière du fait qu’elle tend à protéger le producteur par une série de clauses avant la conclusion du contrat définitif
Dans la pratique, durant cette phase préliminaire, le producteur bénéficie d’un droit de sélection de ses distributeurs sur la base d’un certain nombre de critères (section 1).
S’il est vrai que le producteur est tenu d’une obligation d’information préalable envers son distributeur. En contrepartie, ce distributeur se voit lié par une obligation de confidentialité (section 2)
Section1 : Le droit du producteur de choisir ses propres distributeurs
Il convient d’envisager sous cette rubrique l’originalité et la portée de ce droit (par1) avant d’examiner son utilité (par2)
Par 1 : l’originalité et la portée de ce droit
Ce droit de sélection trouve son fondement dans le fait que la conclusion des contrats de distribution repose sur une notion d’« intuitu personae ». Cet intuitu personae se traduit, pour l’essentiel, comme étant l’expression des qualités professionnelles attendues et ces qualités devront demeurer tant que durera le contrat lui-même. En d’autres termes c’est la volonté des parties de coopérer qui est à la base de ce choix
Cette caractéristique confie au producteur (intégrateur) le droit de choisir ses distributeurs intégrés en fonction des critères objectifs à caractère qualitatif sans discrimination ni limitation quantitative injustifiée[2], généralement ce choix se fait sur la base de deux types de critères
Le premier est d’ordre qualitatif, il porte sur la qualification professionnelle du revendeur (sa formation, son métier…), son personnel (son staff, ses salaries et collaborateurs…), et ses installations (point de vente, fond de commerce, logistique…). Le recours à ce type de critères se fait lorsque les produits, objet de la distribution, justifient une certaine technicité nécessitant de la part du distributeur ou de son personnel une formation particulière c’est le cas notamment pour la distribution des médicaments et produits assimilés[3]
Le second est d’ordre quantitatif, il porte soit sur le nombre des distributeurs soit sur la quantité des produits. Commençant d’abord par la limitation numérique, il s’agit d’une restriction portant sur le nombre des distributeurs qui vont intégrer le réseau. Cette pratique est fréquemment utilisée pour les produits qui ne nécessitent pas une distribution extensive comme c’est le cas pour les produits de luxe. Ainsi, dans son avis daté de 1-07-1982, la commission européenne de concurrence avait admis une telle limitation pour la distribution des produits de parfumerie. En ce qui concerne la quantité des produits, le producteur peut subordonner l’intégration d’un distributeur éventuel à la réalisation d’un minima d’achat ou d’un quota ou encore d’un coefficient de pénétration. En effet, le minima d’achat correspond à une promesse faite par le distributeur d’acheter une quantité minimale de produits au prés du producteur, tandis que le quota est un engagement pris par le distributeur d’atteindre un objectif de vente déterminé, enfin ; le coefficient de pénétration s’explique comme étant un pourcentage de vente qui est fixée comme objectif à la charge du distributeur pendant la duré du contrat. Seulement il convient de préciser que ce coefficient de pénétration n’entraîne sur le distributeur qu’une obligation de moyen
Par 2 : l’utilité de ce droit
Selon Mme Contamine-Raynaud « le choix de la personne du co-contractant a pour but essentiel d’assurer une meilleure exécution, ou tout au moins une exécution des obligations plus conforme à la volonté des parties »[4]
Cet avantage permet au producteur de choisir parmi les candidats ceux ayant la motivation et les compétences nécessaires pour le bon fonctionnement du réseau. Par conséquent, la distribution de ses produits sera effectuée dans des conditions conformes tout en respectant leur qualité, leur technicité, ainsi que leur notoriété
A vrai dire ; les critères selon lesquels le distributeur est choisi doivent être maintenus jusqu’à la fin du contrat. A défaut, la perte d’une qualité déterminée pourra entrainer la résiliation du contrat. Il peut également y avoir disparition de l’intuitu personae par la disparition de « l’affectio contractus », pouvant intervenir par la survenance d’une faute contractuelle
Section2 : l’obligation de confidentialité
La phase précontractuelle est marquée par une obligation principale à savoir celle de l’information préalable. Cette obligation a été consacrée légalement par la loi Doubin[5], qui subordonne la conclusion d’un contrat de franchise ou de concession à l’information préalable des futurs distributeurs. En effet, selon l’article 1 al° 1 de cette loi chacune des parties doit, avant la signature du contrat, fournir à l’autre un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s’engager en connaissance de cause. Ce document, selon l’alinéa 2 du même article, doit préciser l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’importance du réseau d’exploitation, la durée du contrat, les conditions de renouvellement et de cession du contrat ainsi que le champ d’exclusivité
En effet, cette obligation contractuelle revêt un caractère réciproque c’est-à-dire qu’elle est à la charge des deux parties mais, en pratique, cette obligation s’impose essentiellement au producteur en sa qualité de chef de fil qui doit informer ses futurs distributeurs sur les particularités de son réseau, l’importance de sa marque , son savoir faire , et ses produits ainsi que sur l’état du marché et des perspectives de son développement
Ces renseignements donnent au distributeur la possibilité de connaitre des informations confidentielles. En contrepartie, il est tenu d’une obligation de confidentialité envers les informations dont il a eu connaissance à l’occasion de sa candidature à l’intégration du réseau
A défaut, le producteur pourra mettre en cause la responsabilité contractuelle de son cocontractant sur la base de la concurrence déloyale voire même sa responsabilité pénale pour divulgation de secret de fabrication. En surplus, le producteur peut insérer dans le précontrat une clause pénale réprimant le non respect de cette obligation par le paiement d’une indemnité contractuelle
Chapitre II : la protection au cours du contrat
La spécificité des contrats de distribution se caractérise par le fait qu’ils combinent deux théories contradictoires « l’égalité de droits » et « l’inégalité de pouvoirs ». Selon la première chacune des parties au contrat est juridiquement indépendante et exerce son activité à ses risques et périls. C’est ce qui distingue le contrat de distribution du contrat de travail. Quant à la seconde, elle se concrétise par l’état de dépendance économique dans lequel se trouve le distributeur. D’un point de vue doctrinal, cette dépendance existe dés lors que « l’un des contractants est en mesure d’imposer ses conditions à l’autre qui doit les accepter pour survivre »[6]. Parmi les manifestations de cette inégalité de pouvoirs, on peut avancer le pouvoir de contrôle et de suivi reconnu au producteur sur l’ensemble du réseau
Il n’en demeure pas moins donc que le producteur est exposé à des risques éventuels qui peuvent résulter de l’exécution du contrat. Ainsi et dans le but de se prémunir contre ces risques, le producteur se voit attribué un certain pouvoir de contrôle (section1) de même qu’il est fréquemment protégé au cas où le concessionnaire procède à une cession de son contrat et/ou de son fonds de commerce (section2)
Section 1 : le pouvoir de contrôle
Il convient de traiter les manifestations de ce pouvoir dans un premier paragraphe tandis que le second sera consacré à l’analyse de son utilité
Par 1 : les manifestations du pouvoir de contrôle
En pratique, le contrôle s’exerce lors des visites rendues par l’intégrateur ou son représentant aux points de ventes ou aux établissements des distributeurs. Ces derniers sont tenus de répondre à toutes les questions du producteur et de lui y apporter tout renseignement utile (les demandes des clients, l’état de la concurrence…)
En outre, le producteur peut imposer à son distributeur de lui communiquer périodiquement ses documents comptables (bilan, chiffre d’affaire…) ce qui permet au producteur d’abord de se prémunir contre un versement éventuel d’une redevance qui ne correspond pas au chiffre d’affaires réel[7] ; et ensuite, d’être en mesure d’identifier les distributeurs qui ont réalisé un chiffre d’affaires inférieur au minimum convenu afin de régler cette situation déficitaire ou de procéder à la résiliation du contrat le cas échéant
Par2 : l’utilité du contrôle
Ce pouvoir de contrôle permet au producteur de veiller sur l’organisation et la bonne marche de son réseau. Il peut imposer à ses distributeurs un certain nombre de clauses relatives aux modalités de commercialisation de ses produits, d’utilisation de son savoir-faire, ses enseignes et marque. En outre ce pouvoir de contrôle confie au producteur la possibilité de vérifier la bonne exécution des clauses du contrat par les distributeurs, et par conséquent il se trouve protégé contre tout abus éventuel de ces derniers
Dans le contrat de franchise, le franchiseur dispose ainsi également d’un système uniforme de normes que le franchisé devra suivre strictement conformément aux instructions du franchiseur[8]. Ces mesures ont pour objectif de préserver l’identité et la réputation du réseau
De leur côté le concessionnaire et le distributeur sélectionnés sont tenus d’une obligation de ne pas faire qui consiste dans le fait qu’ils ne doivent pas agir contrairement à l’intérêt du réseau
Ainsi l’intégrateur qui exerce son pouvoir de contrôle d’une façon diligente n’engage pas sa responsabilité pour les fautes commises par le distributeur. En revanche, selon un arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation française daté de 06/11/1961 : « un constructeur des véhicules automobiles peut engager sa responsabilité envers les tiers lorsqu’il maintient en fonction un concessionnaire dont il connait depuis longtemps sa carence financière »[9]
Section 2 : la protection en cas de cession du contrat et/ou du fonds de commerce
Comme nous l’avons déjà évoqué, les contrats de distribution sont conclus intuitus personae. De ce fait toute cession du contrat et/ou du fonds de commerce par le concessionnaire pourra entrainer l’intégration des distributeurs ne remplissant pas les critères exigés par le producteur, ce qui pourrait, sans doute, porter atteinte non seulement aux intérêts du producteur mais aussi au réseau dans son ensemble
En effet, le risque de la cession du contrat de distribution ou du fonds de commerce est fréquemment présent dans les contrats de franchise. Le franchisé peut alors procéder à une cession de son contrat de franchise et/ou de son fonds de commerce. Dans les deux cas, il doit s’assurer qu’il n’est pas lié aux termes du contrat par une clause d’agrément (par1) et/ou par une clause de préférence (para 2)
Par 1 : la clause d’agrément
Par cette clause le franchiseur se réserve le droit d’agréer le cessionnaire du fonds de commerce du franchisé et/ou du contrat de franchise. La jurisprudence reconnait la validité de la clause d’agrément. L’intérêt d’une telle clause réside soit dans la volonté légitime du franchiseur de protéger son savoir-faire, soit dans la notion d’intuitu personae
Reste à savoir si le franchiseur devrait-il motiver son refus d’agrément du cessionnaire. La cour de cassation a considéré que le refus d’agrément étant un droit discrétionnaire, le franchiseur n’a pas à motiver son refus, à moins évidemment que cette exigence de motivation n’ait été expressément envisagée dans le contrat
Si le franchisé procède à une cession en violation d’une telle clause, le contrat de franchise est résilié aux torts exclusifs du franchisé
Par 2 : la clause de préférence
En effet, le franchiseur insère souvent dans le contrat de franchise une clause de préférence portant sur la vente du fonds de commerce du franchisé afin de se prémunir contre les conséquences d’une telle décision
En premier lieu, la violation est bien sûr caractérisée lorsque le franchisé réalise la cession, sans l’avoir proposé en priorité au franchiseur
En second lieu, le droit de préférence est violé lorsque le franchisé, après avoir proposé la vente au franchiseur qui l’a refusée, cède à un tiers à des conditions plus avantageuses
La violation de cette clause de préférence entraine la responsabilité contractuelle du franchisé
Chapitre III : la protection post-contractuelle
A l’expiration du contrat, le distributeur est le plus souvent astreint à certaines obligations. Parmi celles-ci, il convient de citer celle de non-concurrence (section1) et de non réaffiliation (section2)
Section 1 : la clause de non concurrence
Il s’agit d’une obligation de ne pas faire qui doit être limitée dans le temps, dans l’espace et quant au secteur d’activité[10]. Dans le même sens un arrêt de la chambre civil de la cour de cassation française daté de 18/03/1987 avait jugé nulle une clause de non concurrence pour défaut de limitation géographique[11]. En surplus cette limitation spéciale temporaire ne doit pas être excessive
Outre les stipulations nécessaires à la validité de la clause, c’est-à-dire l’indication de l’activité, de la durée et du territoire concerné, les parties peuvent prévoir les modalités de sa mise en œuvre
Ainsi, le non-respect de cette clause peut être sanctionné par une clause pénale. Il est aussi possible de prévoir que la clause ne sera pas applicable si le contrat a été résilié aux torts exclusifs du producteur
Section 2 : la clause de non réaffiliation
Il existe surtout en matière de franchise, par cette clause le franchisé s’engage à ne pas s’affilier à un réseau concurrent du réseau qu’il quitte, dans des limites de temps et de lieu définies
En d’autres termes, La clause de non affiliation n’interdit pas d’exercer une activité similaire mais interdit « seulement » d’exercer sous une enseigne ou avec une centrale d’approvisionnement concurrente de l’ancien franchiseur
Cette clause permet d’éviter que l’ancien franchisé, devenu membre d’un réseau concurrent, ne divulgue le savoir-faire à l’intérieur de ce réseau. En effet, s’il est en règle générale contractuellement prévu une obligation de confidentialité post-contractuelle à la charge du franchisé, une telle obligation ne peut garantir le franchiseur initial contre une diffusion secrète de son savoir-faire à l’intérieur d’un réseau concurrent
L’obligation de non concurrence et de non-réaffiliation étant stipulée par les parties, la violation de ladite obligation entraine la responsabilité contractuelle de son auteur
Deuxième partie : la protection judiciaire
La protection judiciaire du producteur en réseau intégré a été recherchée au moyen de deux actions : l’action en concurrence déloyale, d’une part, et l’action en contrefaçon de la marque, d’autre part
Ces deux actions en concurrence déloyale et en contrefaçon sont distinctes
S’il est vari que les deux actions sont prévues par la loi 17-97 relative à la propriété industrielle promulguée par le dahir DU 15 Février 2000, il n’en demeure pas moins qu’elles se diffèrent tant au niveau de leur objet qu’au niveau des peines encourues
Au niveau de leur objet : l’action en concurrence déloyale a pour objet un agissement ou un fait qui contredit les usages honnêtes en matière commerciale et industrielle [12]alors que l’action en contrefaçon tend à protéger un droit privatif sur un signe ou une création ( marque, brevet, dessin ) auquel il a été porté atteinte[13]
Au niveau de la peine : l’action en concurrence déloyale ne peut entrainer qu’une cessation des actes déloyaux et le paiement des dommages-intérêts[14]alors que l’action en contrefaçon peut donner lieu à des sanctions civiles voire même pénales[15]
Afin de mieux traiter cette protection judicaire, il convient d’aborder l’action en concurrence déloyale dans un premier chapitre, et l’action en contrefaçon dans le second
Chapitre I : l’action en concurrence déloyale
Force est de constater que le législateur marocain s’est inspiré du législateur allemand dans le fait qu’il a prévu une réglementation spéciale matière de concurrence déloyale, indépendamment des règles générales de la responsabilité délictuelle et ce à l’inverse de son homologue français
En effet l’art 184 du code de la propriété industrielle dispose que : « Constitue un acte de concurrence déloyale, tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. Sont notamment interdits
1) tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent
2) les allégations fausses dans l’exercice du commerce de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent
3) les indications ou allégations dont l’usage dans l’exercice du commerce est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité des marchandises. »
Afin de protéger les réseaux de distribution, une action en concurrence déloyale peut être engagée. Celle-ci tire son fondement dans l’article 185 du code de la propriété industrielle qui énonce que les faits de concurrence déloyale ne peuvent donner lieu qu’à une action civile en cessation des actes qui la constituent et en dommages-intérêts
Pour qu’elle soit recevable, des conditions de fond (section1) et des conditions de forme (section II) doivent être respectées
Section 1 : les conditions de fond
La recevabilité d’une action en concurrence déloyale suppose l’existence des éléments constitutifs de la responsabilité civile : une faute, un préjudice et un lien de causalité. C’est ce que rappelle notamment un arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation française du 31 Mars 1965 : « l’action en dommages-intérêts pour concurrence déloyale ou illicite ne peut être fondée que sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil français qui impliquent notamment l’existence d’une faute commise par le défendeur et d’un préjudice souffert par le demandeur »[16]
En effet, la faute consiste, soit à omettre ce qu’on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de s’abstenir, sans intention de causer un dommage[17]
Il est à noter que l’art 184 de la loi 17-97 n’a pas établi une liste limitative des faits constituants une concurrence déloyale[18]. Donc le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour déterminer les faits déloyaux
La faute suppose l’existence de deux conditions cumulatives à savoir : en premier lieu il faut une concurrence et en second lieu il faut que cette dernière soit déloyale
Quant au préjudice, cet élément se concrétise dans la perte de clientèle résultant des faits déloyaux. La preuve de ces agissements déloyaux peut être rapportée par tous les moyens conformément à l’art 334 du code de commerce[19]
Enfin, il faut un lien de causalité qui constitue une condition sine qua non pour la recevabilité d’une action en responsabilité délictuelle. Mais cet élément ne jouit pas de la même importance en matière de concurrence déloyale du point de vue jurisprudentiel et doctrinal étant donné que la commission d’une faute suppose nécessairement l’existence d’un préjudice[20]
Section 2: les conditions de forme
L’action est ouverte à toute personne qui a subi un préjudice du fait d’un acte de concurrence déloyale. Il est à noter que l’OMPIC[21] ne peut intenter une telle action ainsi qu’il n’est pas nécessaire de lui faire communiquer une copie de la requête introductive d’instance
La compétence d’attribution revient aux tribunaux de commerce et ce conformément à l’art 15 de la loi 17-97 qui dispose que : « Seuls les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître de tout litige né de l’application de la présente loi, à l’exception des décisions administratives qui y sont prévues »
La compétence territoriale, quant à elle, est régie par l’art 204 de la même loi
Le tribunal du domicile réel ou élu du défendeur
Le tribunal du lieu de son mandataire
Le tribunal du lieu où se trouve l’OMPIC « tribunal de commerce de Casablanca » si le défendeur est non résident au Maroc
Enfin, les actions de concurrence non déloyale se prescrivent dans un délai de trois ans à compter des faits qui en sont la cause conformément à l’article 205 de la loi 17-97
Selon un arrêt de la cour d’appel de commerce de Fès, peuvent donner lieu à des dommages-intérêts : « Le fait d’user d’un nom ou d’une marque à peu près similaire à ceux appartenant légalement à une maison ou fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une réputation collective, de manière à induire le public en erreur sur l’individualité du fabricant et de la provenance du produit »[22]
Chapitre II : l’action en conTREFAçon dé la marque
En règle générale la contrefaçon se définit comme étant toute atteinte aux droits enregistrés à l’OMPIC[23]. En matière de distribution, la contrefaçon porte le plus souvent sur la marque. Cette dernière forme l’origine de la création et du développement du réseau de distribution. Le propriétaire de la marque (le producteur) s’est efforcé d’en assurer la protection en invoquant la propriété de celle-ci, propriété conférant à son titulaire la faculté de réserver la distribution de ces produits à des distributeurs sélectionnés
L’art 154 de la loi 17-97 interdit, sauf autorisation du propriétaire
La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux couverts par l’enregistrement
La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée
L’action en contrefaçon de la marque est exercée par le propriétaire de la marque (le producteur) ou par le bénéficiaire d’un droit exclusif (concessionnaire)[24]
La partie lésée a la faculté de choisir entre l’exercice d’une action civile ou pénale. La première se fait devant le tribunal de commerce afin de demander une cessation des actes déloyaux et la réparation du préjudice subi. La seconde est exercée par le biais d’une plainte déposée auprès du parquet pour condamner l’auteur de la contrefaçon et demander le dédommagement
Ainsi nous allons décortiquer l’action civile dans une première section tandis que la seconde fera l’objet de l’étude de l’action pénale
Section 1 : l’action civile
La recevabilité de l’action civile obéit à un certain nombre de conditions de fond (par1) et de forme (par2).
Par1 : les conditions de fond
Elles concernent l’enregistrement préalable de la marque et la qualité de la partie demanderesse
Pour ce qui est de l’enregistrement préalable de la marque : Aux termes de l’art 207 de la loi 17-97 les faits antérieurs à l’inscription de la délivrance de la marque ne donnent ouverture à aucune action découlant de la présence loi. Il en résulte donc que seule la marque enregistrée auprès de l’OMPIC peut donner ouverture à une action en contrefaçon de la marque. Il est à noter cependant qu’une marque protégée sur le plan international bénéficie de la même protection au Maroc, sans qu’il soit besoin de l’enregistrer à l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale[25]
Quant à la qualité de la partie demanderesse : il convient de préciser qu’en principe cette action est exercée par le propriétaire de la marque. A défaut le bénéficiaire d’un droit exclusif sur la marque peut ainsi intenter une telle action, après l’envoi d’un mise en demeure vaine au propriétaire en l’informant de l’atteinte portée à son droit par le biais de l’un des huissiers de justice ou par un greffier conformément à l’art 202 de la loi 17-97
Par2 : les conditions de forme :
Elles concernent le tribunal compétent et la prescription.
Au niveau de la compétence d’attribution : il ressort de l’art 15 de la loi 17-97 que seuls les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître de tout litige né de l’application de la présente loi, à l’exception des décisions administratives qui y sont prévues
La compétence territoriale, quant à elle, est régie par l’art 204 de la même loi
Le tribunal du domicile réel ou élu du défendeur
Le tribunal du lieu de son mandataire
Le tribunal de Casablanca si le défendeur est non résident au Maroc
Enfin, aux termes de l’art 205 l’action civile se prescrit dans un délai de trois ans à compter des faits qui en sont la cause. Il en résulte que ce délai commence à courir à partir de la date de la commission du fait préjudiciable ou du dernier fait préjudiciable s’ils sont successifs
Section 2 : l’action pénale
Si les conditions de recevabilité de l’action pénale se ressemblent avec l’action civile, il n’en demeure pas moins qu’elles se diffèrent dans certains points
Par 1 : les conditions de fond
Comme l’action civile, l’action pénale ne peut porter que sur un droit préalablement enregistré au près de l’OMPIC. Le déclenchement de l’action publique se fait par le parquet sur plainte de la partie lésée sauf les exceptions prévues aux articles 24-al-1, 113, 135- al-1et2
Par 2 : les conditions de forme
Le tribunal compétent est le tribunal de première instance dans ce cens l’art 205 de la loi 17-97 énonce que Le tribunal correctionnel ne peut statuer qu’après que la juridiction saisie de l’action en constatation de la réalité du dommage ait prononcé un jugement passée en force de chose jugée. Cet article supporte deux interprétations doctrinales
La première faisait une interprétation rigide de l’article en ce sens que si la partie lésée a exercé l’action pénale avant d’intenter une action civile, le ministère public est tenu de conserver la plainte jusqu’à ce que le tribunal de commerce prononce un jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée[26], ce qui heurte de front l’adage selon lequel : « le pénal tient le civil en l’état » . La seconde faisait une interprétation souple qui suppose l’absence d’une action civile introduite devant le tribunal de commerce[27]. Le juge répressif se trouve dans ce cas compétent pour statuer sur tous les éléments de l’affaire
Quant à la compétence territoriale : est compétent le tribunal de première instance du
Le lieu où la contrefaçon de la marque a été commise
Le domicile réel ou élu du prévenu
Le lieu où il exerce le prévenu quotidiennement son activité
Force est de constater que cette action peut entrainer des peines principales qu’accessoires. Ces peines principales sont énumérées respectivement par les articles 225,226 et 227 de la loi 17-97
L’article 225 prévoit un emprisonnement de deux mois à six mois et une amende de 50 000 à 500 000 dh
L’article 226 prévoit un emprisonnement d’un à six moi et d’une amende de 25 000 dh à 200 000 dh
L’article 227 prévoit un emprisonnement d’un à trois mois et d’une amende de de 50 000 à 500 000 dh
Quant aux peines accessoires : on en dénombre quatre
La confiscation : selon l’art 212 : «.. le tribunal pourra ordonner la confiscation, au profit du demandeur, d’objets reconnus contrefaits, qui sont la propriété du contrefacteur à la date de l’entrée en vigueur de l’interdiction… »
La destruction d’objets reconnus contrefaits : selon l’art 224 : «… le tribunal pourra ordonner la destruction d’objets reconnus contrefaits, sauf circonstance exceptionnelles, qui sont la propriété du contrefacteur à la date de l’entrée en vigueur de l’interdiction… »
L’interdiction une période de cinq ans au maximum, du droit de faire partie des Chambres professionnelles conformément à l’art 208
La publication des décisions judiciaires devenues définitives conformément à l’art 209
Conclusion
Force est de conclure par un constat fort évident qui revient au fait que le producteur demeure largement protégé. Cette protection qu’elle soit donc contractuelle, légale ou judiciaire a pour but la sauvegarde d’un intérêt collectif et de préserver l’identité et la réputation du réseau
Ainsi, après la cessation du contrat, le producteur n’est pas tenu de verser une indemnité de clientèle à son distributeur en raison des investissements réalisés par ce dernier, ce qui s’explique par son indépendance juridique
Aux yeux de la jurisprudence, le distributeur doit savoir qu’à la rupture du contrat, la clientèle risque de se reporter sur son successeur. Il s’agit d’un risque que le distributeur ne pouvait ignorer lorsqu’il a contracté. On en revient aux principes généraux de l’intégration : le distributeur intégré, en sa qualité de commerçant indépendant, agit à ses risques et périls, et doit connaitre la portée de son engagement au jour de la conclusion du contrat
[1] Laurence Amiel-Cosme, Les réseaux de distribution, édition L.G.D.J 1995, page 8
[2] Laurence Amiel-Cosme, op cit, page32
[3] Jean–Jacques Biolay, DROIT DE LA DISTRIBUTION COMMERCIALE,édition Eyrolles, 1990, page 89
[4] LAURENCE Amiel-cosme, op cit, page71
[5] La loi n°89.1008 du 31/12/1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique juridique et sociale
[6] LAURENCE Amiel-cosme , op cit, page 215
[7] François-luc,Simon, Théorie et pratique du droit de la franchise, édition JOLY, 2009, page 211
[8] OLIVIER Vaes, franchising guide pratique pour juristes, édition BRUYLANT, 2007, page 142
[9] LAURENCE Amiel-cosme , op cit, page 281
[10] Arrêt de la cour d’appel de colmar ( en France ) daté de 09/06/1982, cité par LAURENCE Amiel-cosme , op cit, page :303
[11] LAURENCE Amiel-cosme , op cit, page :303
[12] Article 184-al-1 de la loi 17-97
[13] Article 201 de la loi 17-97
[14] Article 185 de la loi 17-97
[15]Les articles 225,226 et 227 de la loi 17-97
[16] Arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation française ,31 Mars 1965, cité par LAURENCE Amiel-cosme , op cit, page 320
[17] Art 78 du DOC
[18] MAHBOUBI Mohamed, « حماية حقوق الملكية الصناعية و التجارية من المنافسة غير المشروعة », revue « المجلة المغربية لقانون الأعمال والمقاولات », N° 5, daté de Mai 2004, page 58
[19] Art 334 du C.COM dispose que : « En matière commerciale la preuve est libre… »
[20] MAHBOUBI Mohamed, op cit, page 59
[21] Office marocain de la propriété industrielle et commerciale régie par la loi 17-97 qui est entrée en application depuis 18 décembre 2004 « voir le site suivant www.ompic.ma »
[22]Arrêt de la cour d’appel de commerce de Fès ,n°1537/2003, daté de 06/05/2003, publié sur le site www.jurisprudence.ma
[23] Art 201 : « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un brevet, d’un certificat d’addition, d’un certificat de schéma de configuration (topographie) de circuits intégrés, d’un certificat d’enregistrement de dessin ou modèle industriel ou d’un certificat d’enregistrement de marque de fabrique, de commerce ou de service tels qu’ils sont définis respectivement aux articles 53, 54, 99, 123, 124, 154 et 155 ci-dessus constitue une contrefaçon »
[24] Art 202 al-2 : « Toutefois, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut, sauf stipulation contraire du contrat de licence, exercer l’action en contrefaçon si, après mise en demeure transmise par un huissier de justice ou par un greffier, le propriétaire n’exerce pas cette action »
[25] Jugement du tribunal de commerce de Casablanca, N°10891/2002, daté de 17/10/2002, publié sur le site www.jurisprudence.ma
[26] CHOUKRI SBAI Ahmed cité par TARIQ ELBAKHTI, « حماية العلامة التجارية من التزييف», revue « المجلة المغربية لقانون الأعمال والمقاولات », N° 16, daté de Mai 2009, page 107
[27] Ahmed LEFROUJI Cité par TARIQ ELBAKHTI, Op cit page 107
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